La mise en vente du Baclocur, un médicament à base de baclofène, sollicitée dans la lutte contre l’alcoolisme, a obtenu l’autorisation de l’Agence du médicament. Mais une annulation de ladite autorisation, émanant des instances judiciaires, est survenue peu après.
- Le baclofène, médicament utilisé dans le traitement de l’alcoolisme, a pendant longtemps été un sujet à polémique. Le lundi, la France a donné son accord, pour la commercialisation du Baclocur.
- Un collectif a jugé insuffisante la dose recommandée par l’agence du médicament et a déposé un recours qui a conduit à la suspension de l’autorisation de commercialisation, 48 heures après.
- Suite à cette suspension, l’ANSM a annoncé qu’elle envisage saisir le Conseil d’État d’un pourvoi en cassation contre cette décision judiciaire.
Ce revirement de situation marque un nouvel épisode dans la lutte française sur le baclofène. La commercialisation du Baclocur, médicament à base de baclofène utilisé dans le traitement de l’alcoolisme, a obtenu l’accord de l’ANSM ; la suspension de cette autorisation sera prononcée deux jours plus tard par la justice.
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Autorisée lundi et suspendue le mercredi : 48 heures de commercialisation
L’accord pour la mise en vente du Baclocur, produit du laboratoire Etypharm, a été donné le lundi 15 juin. Une autorisation qui réconforte les personnes qui luttent pour se libérer de leur dépendance à l’alcool. Cependant, la nouvelle n’a pas fait que des heureux.
Le collectif Baclohelp, qui soutient les alcoolodépendants sous traitement au baclofène, a déposé un recours contre cette décision. Ledit recours s’est soldé par la suspension de l’autorisation donnée par l’ANSM, suivant une décision rendue par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Qu’est-ce que le Baclocur ?
Le Baclocur est un médicament conçu à partir du baclofène, qui était utilisé à l’origine comme un relaxant musculaire. Il est progressivement devenu un médicament, employé de manière alternative, dans la lutte contre l’alcoolisme. Ce nouvel usage a connu son essor en 2008, lorsque le cardiologue Olivier Ameisen, un alcoolo-dépendant, a publié son ouvrage « Le dernier verre ».
Selon les dires de Thomas Maës Martin, fondateur du collectif Baclohelp, le cardiologue Olivier Ameisen a fait la découverte d’une étude sur le baclofène, réalisée sur des souris ; il fit alors l’expérience sur lui-même en s’administrant des doses quotidiennes allant jusqu’à 280 mg. Au fil des jours, il a développé une indifférence à l’alcool, une réaction surprenante chez une personne souffrant d’addiction. En effet, les traitements appliqués jusque là contre l’alcoolisme indisposait les patients ou provoquaient des vomissements, à la différence du Baclofène qui annule ou fait disparaître l’effet d’addiction, quand bien même le patient consomme de l’alcool. À partir de ce résultat, le cardiologue a commencé la rédaction de son ouvrage, après avoir tenté en vain de publier des articles ; ouvrage qui a rendu ce traitement très populaire.
Face à la flambée de prescriptions de baclofène, l’Agence du médicament s’est intéressée au sujet. En 2014, une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) autorisait l’utilisation du baclofène pour traiter l’alcoolisme. Par la suite, l’Agence du médicament (ANSM) a donné son accord pour la commercialisation du Baclocur en octobre 2018. Le Baclocur est devenu, la seule molécule à base de baclofène, autorisé dans le traitement de l’alcoolisme. C’est le lundi 15 juin que cette autorisation est entrée en vigueur.
Cependant, deux conditions de l’Agence du médicament devraient être respectées, à savoir une dose maximale de 80 mg/jour et une prescription uniquement après échec des autres traitements.
Pour quelle raison le collectif s’en est-il pris à la mise sur le marché du Baclocur ?
Lorsqu’un médicament entrant dans la lutte contre une maladie doit être mis sur le marché, les patients et leurs associations sont les premiers à s’en réjouir. L’opposition du collectif Baclohelp surprend donc. La raison du recours du collectif est liée à la dose recommandée par l’ASNM. Selon le fondateur du collectif, plus de la moitié des patients alcoolodépendants a besoin de plus de 80 mg par jour pour guérir, voire 185 mg en moyenne. Pour d’autres, les doses quotidiennes peuvent avoisiner les 300mg, car le dosage varie d’un malade à un autre. L’on se demande alors pourquoi la limite de 80mg par jour, imposée par l’Agence du médicament.
L’ANSM a confié au journal 20 Minutes qu’une étude conjointe Cnam-ANSM-Inserm réalisée en 2017 a révélé que de fortes doses du relaxant musculaire Baclocur ont des effets indésirables considérables. Selon l’Agence, on aurait constaté un taux plus élevé d’hospitalisations et de décès chez les malades traités au baclofène que chez ceux dont le traitement ne contient pas de baclofène. Pour Thomas Maës Martin, cette étude, basée sur les données de remboursement de l’Assurance maladie du baclofène entre 2009 et 2015 ne permet pas d’évaluer le nombre de patients alcooliques pris en compte pour l’étude.
Poursuivant ses explications, le fondateur affirme que selon une autre étude, le baclofène est un médicament sûr, efficace et sans danger pour des doses allant jusqu’à 300mg, à condition qu’il soit pris à raison de trois doses quotidiennes de 100 g chacune. Pour lui, l’Agence du médicament se protège et veut éviter tout risque. Elle ne conçoit pas que l’ANSM annule la RTU du Zentiva et du Lioresal qui sont à base baclofène, et qu’elle impose l’achat du Baclocur seulement, qui est la molécule la plus coûteuse.
Le fondateur du collectif voit dans cette mesure, une limitation des remboursements, car, même si les médecins ont la possibilité de prescrire des médicaments hors AMM à des doses élevées, les responsables de pharmacies pourraient rejeter le dosage. Ainsi, pour une dose quotidienne de 300 mg, le patient devra débourser 160 euros mensuellement pour un remboursement qui ne couvre que les 80 mg. Il s’agit là d’une lourde charge pour les alcooliques financièrement épuisés et pour les cas les plus sévères d’alcoolisme.
Par ce recours, Thomas Maës Martin attire l’attention de l’ANSM et des addictologues sur le fait que le taux de remboursement d’un traitement ne devrait pas discriminer des patients selon la gravité de leur mal, car toute suspension brutale et soudaine aurait de graves conséquences sur les patients brusquement sevrés.
Quel sera l’impact de cette suspension sur les patients ?
La suspension de l’autorisation de commercialisation du Baclocur implique un retour à la situation de départ pour tous les patients. En effet, un communiqué du tribunal ayant prononcé la décision, explique que les patients alcooliques peuvent recevoir comme avant, des prescriptions de tous les médicaments à base de baclofène, le Baclocur y compte, sans contraintes légales de limitation des doses. Pour des cas sévères, les patients pourraient donc recevoir des doses de plus de 80 mg de Baclocur.
A quoi s’attendre pour la suite ?
Selon les propos du fondateur du collectif, le juge devra se prononcer sur le fond. Ainsi, la suite de la bataille du baclofène serait donc l’annulation ou la modification de la décision par le juge avec une possible imposition à l’agence, d’augmenter la dose fixe de 80 mg.
L’agence du médicament a, quant à elle, annoncé qu’elle saisirait le Conseil d’État d’un pourvoi en cassation contre la décision prononcée par le tribunal. Ils sont nombreux à espérer la remise sur le marché du Baclocur, en vue du traitement efficace des patients alcooliques avec ce médicament.