L’Australie fait partie des pays qui ont le mieux réussi à contenir la pandémie de COVID-19, avec seulement 7 000 cas et 100 décès depuis le début de la crise sanitaire en janvier dernier. Alors que les restrictions s’apprêtent à être levées progressivement dans les différents Etats australiens, faisons le point sur la manière dont le pays a géré la crise.
Pour cette série de reportages sur la pandémie à travers le monde, nous faisons appel à toutes les personnes qui veulent bien nous donner leur vision de cette crise. Un grand merci à tous les participants !
Table des matières
Comment les Australiens ont géré la crise du COVID-19 ?
L’Australie est l’un des pays qui ont le mieux géré la crise de COVID-19, avec un (presque) retour à la normale qui commence à se profiler. Retour sur la chronologie de la pandémie en Australie et sur les mesures qui ont contribué à inverser la courbe.
Chronologie de la pandémie de COVID-19 en Australie
Le premier cas mondial de COVID-19 a été retracé au 17 novembre, à Wuhan en Chine. En Australie, il a fallu attendre le 21 janvier pour la première alerte : un homme se fait tester à Brisbane après son retour de Wuhan (négatif).
Le 23 janvier, alors que Wuhan se met en quarantaine, l’aéroport de Sydney commence à contrôler les passagers en provenance de Wuhan. Le premier cas de COVID-19 en Australie ne se fera pas attendre : le 25 janvier, un homme est testé positif au virus dans le Victoria, suivi par 3 personnes dans le New South Wales. L’Australie déconseille à ses citoyens de voyager vers la Chine.
En parallèle, les chercheurs australiens (Université du Queensland, Peter Doherty Institute de Melbourne) commencent à se pencher sur ce nouveau virus.
Début février, l’Australie interdit l’entrée à toutes les personnes en provenance de Chine, sauf les citoyens australiens qui devront se mettre en quarantaine pendant 14 jours à leur arrivée sur le territoire. Tous les australiens évacués de Wuhan sont mis en quarantaine sur Christmas Island.
Alors que les cas de COVID-19 commencent à monter lentement, le premier décès du virus a lieu le 1er mars à Perth : il s’agissait d’un passager du bateau de croisière Diamond Princess. C’est aussi début mars que commencent les rumeurs de pénurie et les scènes de panique dans les supermarchés : des limites seront imposées à la mi-mars pour contenir la panique.
Le 13 mars, un « National Cabinet » est formé pour organiser la gestion de la crise, composé du Premier ministre australien et des chefs d’Etats des différents Etats australiens.
Le 15 mars, l’Australie interdit l’accès aux bateaux de croisière en provenance d’un port étranger, et le 20 mars, elle ferme ses frontières internationales. Seuls les citoyens australiens, résidents permanents et leur famille immédiate peuvent désormais entrer dans le pays, et ils sont obligés de respecter une quarantaine de 14 jours.
Le 16 mars, les rassemblements non essentiels sont interdits ; et le 17 mars, l’Australie interdit tout voyage à l’étranger.
Le 20 mars, le « social distancing » est imposé par le Gouvernement australien.
Le 23 mars, les commerces non essentiels sont fermés (cinémas, salles de sport, pubs, clubs, boutiques). Les cafés et restaurant restent ouverts pour emporter ou pour se faire livrer à domicile. Les commerces essentiels (pharmacies et centres médicaux, poste, banques, stations essences et supermarchés, ateliers mécaniques…) restent ouverts et des aménagements sont effectués pour le respect de la distanciation sociale. Nous sommes alors au pic de la crise en Australie.
Le 29 mars, l’Australie interdit les rassemblements de plus de 2 personnes après avoir progressivement réduit le nombre de personnes autorisées à se réunir dans un groupe, et invite les australiens à rester chez eux sauf pour aller travailler, aller faire les courses, aller faire du sport ou se rendre dans un centre médical.
Fin mars, les Etats australiens ferment peu à peu leurs frontières pour limiter la propagation du virus. Certains Etats, comme le South Australia ou Northern Territory, autorisent les entrées justifiées et imposent une quarantaine de 14 jours, tandis que d’autres, comme le Western Australia ou le Queensland, n’autorisent que l’entrée des résidents de cet Etat.
Le 1er avril, l’Australie compte 4 864 cas de COVID-19 et 21 morts, alors que le bilan mondial est de 820 000 cas et 40 500 morts. Le Western Australia, le plus grand Etat d’Australie, décide de fermer les frontières entre les régions dans chaque Etat.
Le 2 avril, le Gouvernement annonce que les soins de santé pour les enfants des travailleurs essentiels seront gratuits.
Les mesures se resserrent durant tout le mois d’avril, et le nombre de cas diminue rapidement. Le 29 avril, le Gouvernement annonce que les restrictions pourront être levées petit à petit durant le mois de mai.
Le déconfinement en Australie
Le déconfinement (ou la fin des restrictions) se fait en 3 étapes en Australie. Chaque Etat suit son propre rythme, en fonction de l’évolution des cas de COVID-19.
La première étape permet d’accueillir jusqu’à 5 visiteurs chez soi, et de se réunir en groupe jusqu’à 10 personnes à l’extérieur. Les librairies, certaines écoles et les aires de jeux ouvrent à nouveau et les Australiens sont autorisés à sortir davantage pour faire du shopping ou voyager localement. Le télétravail est toujours encouragé si l’entreprise le permet.
La seconde étape permet d’étendre les groupes jusqu’à 20 personnes, et les salles de sport, cinémas, musées, instituts de beauté peuvent rouvrir. Certaines frontières entre les régions dans les Etats sont levées.
Certains Etats, comme le Western Australia, sont déjà passés en phase 1 et passeront en phase 2 prochainement (le 18 mai pour le Western Australia).
La troisième étape autorisera les rassemblements de plus de 100 personnes, le retour au travail, les voyages entre les régions dans les Etats, ou encore l’ouverture des restaurants.
Pendant ces 3 phases de déconfinement, les gestes barrière et les mesures d’hygiène restent en place. Le passage d’une phase à l’autre se fait lentement pour s’assurer d’éliminer tous les cas de transmission communautaire avant de passer au niveau supérieur.
Gestion de la crise du COVID-19 : pourquoi l’Australie a-t-elle mieux réussi que la France ?
En comparaison à la France, l’Australie a réussi à endiguer rapidement l’épidémie de COVID-19 sur son territoire. Début avril, le nombre de cas commençait déjà à diminuer drastiquement, à tel point que le médecin-chef du pays, Brendan Murphy, disait que les événements prenaient une meilleure tournure que ce qu’ils avaient pu prévoir en janvier dans le scénario le plus optimiste !
Ce qui fait le succès de l’Australie dans la lutte contre le COVID-19, c’est avant tout la politique des frontières qui a été pratiquée par le pays. L’Australie a commencé à fermer progressivement ses frontières avec le reste du monde (d’abord avec les pays les plus infectés comme la Chine ou l’Italie, puis avec les autres pays) dès le mois de février. Une mesure qui a permis d’éliminer toute nouvelle source possible de contamination pour se concentrer sur la transmission à l’échelle nationale.
En mars, l’Australie a décidé de fermer les frontières de ses Etats pour limiter la propagation à l’échelle nationale et être capable de mieux tracer le virus. La fermeture des frontières régionales dans les Etats par la suite, ainsi que l’interdiction de voyager (fermeture des routes et des campings) a permis de diminuer la propagation du virus au cercle communautaire. Cette politique ajustée à chaque région et à chaque Etat lui permet de s’assurer qu’il n’y ait plus de risques (avec une absence de cas pendant au moins deux semaines) avant de rouvrir les frontières.
La France, en revanche, a attendu longtemps avant de fermer ses frontières internationales (refusant, le 8 février, de fermer les frontières avec l’Italie). Ce n’est que le 16 mars que la France a consenti à fermer ses frontières, au même moment que l’Australie, alors que le nombre de cas avait dépassé les 5000 (contre moins de 300 en Australie). De plus, la France n’a pas envisagé de frontières entre les régions pour limiter la propagation du virus dans le pays et mieux tracer son évolution.
D’une manière générale, toutes les mesures qui ont été prises en Australie mais aussi en France ont été prises trop tard en France, alors que l’évolution du virus était devenue incontrôlable : la distanciation sociale, le confinement, le port de masques… Dès le début de l’épidémie, les Australiens ont vraiment pris au sérieux les mesures d’hygiène : dans les supermarchés, les caddies sont nettoyés au gel hydro alcoolique, de même que les caisses automatiques ; des croix et des bandes sont tracées sur le sol pour inciter les gens à garder leurs distances, et une caisse sur deux est fermée pour éviter d’être trop près de son voisin. Dans les stations essence, les employés mettent des masques et des gants et certaines stations essences n’autorisent plus le self-service. Etc…
En Australie, le déconfinement est plus progressif qu’en France. Plutôt que de fixer une date unique pour tout le pays et de s’y tenir, le gouvernement australien a choisi d’adapter les dates des différentes phases de déconfinement à la situation spécifique de chaque région d’Australie. Avant de lever les restrictions, le Gouvernement a attendu que les régions ne présentent plus de cas actifs depuis plusieurs semaines.
Un autre ingrédient du succès de l’Australie dans la gestion de la pandémie est son fort taux de tests. Depuis le début de la pandémie, près de 910 000 tests ont été conduits, permettant ainsi de mieux suivre l’avancée du virus et d’identifier les foyers de contamination.
Enfin, l’Australie a l’avantage d’être un pays relativement peu peuplé, avec une très faible densité de population dans certaines zones (25 millions d’habitants et 3,27 habitants au km² contre 67 millions d’habitants et 117,63 habitants au km² en France !). Une démographie qui facilite la distanciation sociale et l’élimination du virus !
Le bilan actuel
Malgré toutes ces mesures, l’Australie a tout de même commis quelques erreurs, notamment en donnant au bateau de croisière Ruby Princess l’autorisation de débarquer ses 2 700 passagers à Sydney, le 19 mars, alors que certains montraient des symptômes. Plus de 600 cas de COVID-19 dans le pays ont été liés aux passagers du bateau, soit 10 % sur le total de cas, dont 19 morts. De même, comme en France et partout dans le monde, dans les grandes villes comme Sydney, la distanciation sociale n’a pas été respectée sur les plages ou dans les parcs avant que des mesures plus strictes soient mises en place.
Actuellement, l’Australie compte 17 cas actifs en soins intensifs et 50 cas actifs dans les hôpitaux. Depuis le début de l’épidémie, l’Australie a cumulé 6 975 cas dont 98 morts.
L’objectif maintenant est d’identifier les sources de contamination pour les enrayer. 10 % des personnes qui ont contracté le virus en Australie ne savent pas comment ils l’ont attrapé, un pourcentage déjà bas et que le gouvernement compte réduire à 0 %.
Pour cela, le gouvernement a mis en place une application mobile (COVIDSafe app) qui consiste à localiser les personnes susceptibles de transmettre le virus. Cette application fonctionne comme un tracker via Bluetooth pour garder en mémoire les personnes avec qui l’on a été en contact pendant plus de 15 minutes afin de savoir d’où vient le virus si l’on est contaminé.
Et au niveau de l’économie ?
Le COVID-19 a déclenché une crise économique mondiale. En Australie, le taux de chômage a atteint 6,2 %, avec la perte de 594 000 emplois en avril, et le gouvernement estime qu’il pourrait monter jusqu’à 10 %. A titre de comparaison, le taux de chômage en Australie était de 5,1 % en avril 2019.
Dès le 12 mars, le Gouvernement australien a annoncé un plan de soutien financier de 17,6 milliards d’AUD$ pour les entreprises impactées par la pandémie, suivi 10 jours plus tard par un second à hauteur de 66 milliards d’AUD$. Le 16 mars, la Bourse a chuté de 9,7 %, un record depuis le crash boursier de 1987, engendrant une perte de 165 milliards d’AUD$.
Le secteur le plus touché par la crise du COVID-19 reste celui du tourisme, alors qu’il représentait en 2019 3 % du PIB australien. En mars 2020, l’Australie enregistrait une baisse de 60 % de visiteurs étrangers par rapport à mars 2019. La compagnie aérienne Virgin Australia, 2ème compagnie aérienne australienne après Quantas, s’est ainsi déclarée en cessation de paiement fin avril.
Un sondage mené par Vox Pop Labs/ABC a récemment révélé que les Australiens sont plus inquiets pour l’économie mondiale et nationale (82 % des Australiens) que par le risque de contracter le COVID-19 (41 %) ou qu’un membre de leur famille l’attrape (62 %).
Selon le gouvernement, une deuxième vague de COVID-19 coûterait au pays près de 4 milliards de dollars australiens par semaine : pour cette raison, les mesures restent strictes et sont levées progressivement pour prévenir tout risque de seconde vague.