Vincent Lautard, infirmier et juriste en droit de la santé dénoncent le manque de confiance que le gouvernement accorde aux infirmiers à travers la crise sanitaire que nous traversons actuellement. Alors que les infirmiers et personnels de santé ont besoin de confiance et de moyens pour pouvoir mener la guerre contre le virus, le gouvernement semble ne pas vouloir le leur accorder. Pourtant, les professionnels de santé et organisations font tout pour essayer d’aller dans ce sens, en proposant des choses permettant une meilleure gestion et fluidité des services de santé publique. Toutes ces propositions ont pour but de faciliter et améliorer les prises en charge de patients. Malheureusement, toutes ces suggestions sont sans cesse refusées, ce qui avait d’ailleurs mené à des manifestations et un fort mécontentement des personnels de santé juste avant le début de la crise de COVID-19.
De plus, avec l’arrivée du déconfinement, les personnels de santé ont signifié qu’il était important de se reposer sur eux aussi, pourtant le gouvernement préfère se tourner uniquement vers les médecins généralistes en premiers secours. Malheureusement, cette décision met certains Français à l’écart. En effet, il existe de nombreux déserts médicaux en France, et les habitants qui s’y trouvent n’ont donc pas accès à un médecin traitant. Les professionnels de santé sont en colère, car même s’ils ont l’habitude selon leurs dires de voir leurs demandes et revendications être vidées de toute substance, ils avaient tout de même pensé qu’à la suite d’une crise d’une telle ampleur, le gouvernement serait prêt à revoir ses positions.
Certains amendements rejetés
L’état d’urgence sanitaire a été déclaré il y a quelques semaines, et le 8 mai, trois amendements ont été présentés à l’Assemblée nationale. Le premier avait pour but de permettre aux infirmiers de faire des tests de COVID-19 sans avoir besoin d’ordonnance. Cet amendement disait : « Par cet amendement, il est proposé que les infirmières et les infirmiers puissent déclencher et effectuer, sans prescription médicale, des tests et des prélèvements relatifs au Covid-19. Cette mesure constituerait une source de simplification, de rapidité et d’efficience de prise en charge de patients suspects, ainsi que de santé publique pour la détection et d’isolement d’éventuel cluster, afin d’éviter l’extension de l’épidémie, et favoriser le dé-confinement. Les infirmiers possèdent les compétences cliniques et techniques, acquises en formation initiale, requises et nécessaires pour pratiquer ces tests. Cette profession est répartie géographiquement de façon homogène sur le territoire et son mode d’exercice dans des domaines professionnels variés permettrait un soutien du déploiement des tests. Une telle disposition vient d’être adoptée au Québec, estimant que ce serait un des facteurs non négligeables dans la lutte contre la propagation du virus et reconnaissant par la même que les infirmiers et infirmières ont les compétences et les connaissances pour procéder aux tests diagnostiques sans ordonnance de la Covid-19. ». Malheureusement le ministère de la Santé a décidé de ne pas présenter cet amendement, et de s’opposer à ce dernier. Ainsi, il n’est pas possible pour les infirmer de réaliser un test de dépistage très simple qui pourrait permettre de lutter durant cette crise contre le COVID-19. Ensuite, d’autres propositions du même ordre ont été mises sur la table, mais ont été rejetées. Le fait pour les infirmiers de ne pas pouvoir pratiquer de dépistage sans ordonnance complique la vie de ces derniers. En effets, bien souvent les infirmiers se plaignent de ne pas réussir à joindre rapidement les médecins traitants. Ainsi, certains patients ayant des symptômes de COVID-19 ne pourront pas être dépistés tout de suite, et devront parfois attendre plusieurs jours avant de l’être. Ces décisions mises face à la volonté de dépistage massif du gouvernement sont très contradictoires. De nombreux infirmiers parlent même de décisions injustes.
Ensuite, le second amendement qui était proposé devait permettre aux infirmiers de faire des certificats de décès, afin de pallier à la pénurie de médecins, qui sont normalement les seules habilitées à le faire. Cet amendement disait : « la constatation du décès survient dans des délais loin d’être raisonnable qui ne sont pas acceptable, notamment sur le plan humain. Entraînant des moments de grande souffrance tant au niveau des familles qu’on ne peut informer du décès lorsque la certitude du décès n’est pas établie, mais aussi au niveau des soignants ne pouvant demander la mise en œuvre du travail des pompes funèbres pour la conservation des corps. L’élargissement des compétences des infirmiers pour l’établissement dudit certificat, dans des zones bien identifiées (celles où le virus circule librement) paraît être une solution pour les régions les plus en difficulté. » Encore une fois cet amendement a été rejeté, et cela sans la moindre explication.
Et le troisième amendement devait permettre aux infirmiers de réaliser les vaccinations obligatoires sans prescription médicale, ce qui est déjà le cas dans certains pays étrangers. L’amendement disait : « Face au recul des vaccinations obligatoires pendant la période de confinement et face au risque de santé publique que fait peser ce constat sur le pays et qui risque de perdurer, il est proposé de s’appuyer sur les 700 000 infirmiers répartis sur tout le territoire français pour assurer la couverture vaccinale à l’ensemble de la population. » Encore une fois, le ministère s’est dressé contre cet amendement, qui n’a donc pas pu être adopté. Les infirmiers déplorent ainsi l’absence de réaction de la part du gouvernement à la suite de la crise sanitaire que nous avons récemment traversée. Selon eux, le système de santé publique en France devrait changer sa manière de fonctionner, et sa manière de voir les choses pour faciliter la lutte contre le virus. Ainsi, les professionnels de santé demandent une meilleure coordination de la part du gouvernement, afin d’exercer plus facilement leur métier.
Et selon Vincent Lautard, il est temps que nous écoutions enfin les soignants et les professionnels de santé, qui sont ceux qui prennent soin de nous quotidiennement et qui sauvent des vies.