Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), suivre un traitement pendant la grossesse ou l’interrompre brusquement peut s’avérer très risqué. Pour la première fois, ladite Agence a lancé une sensibilisation contre les risques médicamenteux chez la femme enceinte avec le Slogan : « Enceinte, les médicaments, ce n’est pas n’importe comment ». Le lancement de cette campagne a eu lieu mercredi 2 juin 2021.
Cette sensibilisation cible les femmes enceintes, qui doivent faire un bon usage de médicaments. Ceci parce que stopper un traitement comme celui du diabète ou l’épilepsie constitue un véritable danger pour la future maman. Certains médicaments à l’instar de l’ibuprofène doivent être proscrits, car ils sont nocifs pour le fœtus.
Pour une bonne transmission de l’information, des vidéos explicatives ont été publiées sur YouTube. Vidéos qui portent la voix de deux médecins généralistes à savoir Corentin Lacroix et Sylvain Bouquet. De même, le site medicamentsetgrossesse.fr a été mis à la disposition des femmes qui veulent avoir un bébé, celles qui en portent déjà ainsi que leur entourage. Elles ont également la possibilité de discuter avec des spécialistes de la santé.
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Seulement 3 femmes sur 10 sont informées
Il apparaît clairement que les Françaises manquent encore de lumière en ce qui concerne la réglementation des médicaments chez la future mère. Un sondage de l’institut ViaVoice révèle que peu de femmes s’identifient comme étant suffisamment informées sur les dangers relatifs à la prise de comprimés lors de la grossesse. « Si vous regardez le tabac ou l’alcool, nous sommes à 7 femmes sur 10, nuance Christelle Ratignier-Carbonneil, la directrice de l’ANSM. Il y a donc une marge de progression ».
A cet effet, Amandine Messina, de l’Institut ViaVoice précise que : « 89 % des femmes qui ont un projet de grossesse font de l’automédication, 36 % des femmes enceintes pour la première fois, 48 % pour une deuxième grossesse et plus ». L’autre problème est que : les femmes qui suivent un long traitement prescrit sur ordonnance sont 17 % à abandonner quand elles sont enceintes, et 29 % n’en parlent même pas à un médecin.
Un message comportant des nuances pour une application personnalisée
Étant donné que la prise subite d’un comprimé contre les nausées, les insomnies ou les chutes de tension peut être néfaste pour le futur bébé, « En France, la consommation de médicaments est banalisée, regrette Céline Mounier, directrice de la surveillance de l’ANSM. En moyenne, on prescrit 9 médicaments pendant les neuf mois de grossesse ». Raison pour laquelle, cette campagne vient mettre un accent sur ce fait : « Nous avons axé la campagne sur 4 règles d’or : préparer sa grossesse avec un soignant, pas d’automédication, ne jamais arrêter seule un traitement prescrit, et enfin informer tous les professionnels de santé qui vous suivent de sa grossesse. En général, on va penser à la sage-femme, mais moins au dentiste, au pharmacien» dit-elle.
Pour renchérir, Christèle Ratignier-Carbonneil ajoute que : « L’objectif n’est pas de diaboliser le médicament. Mais pendant la grossesse, on attend avant d’en prendre et on échange avec son médecin, son pharmacien, sa sage-femme pour décider ensemble de la conduite à tenir. »
Le message est donc mitigé. Puisque par contradiction au message tenu sur l’alcool et le tabac (zéro consommation pour zéro risque), celui sur médicaments est relativisé à chaque cas de grossesse.
Selon la phase de la grossesse, c’est-à-dire de la préconception jusqu’à l’allaitement, les médicaments conseillés et déconseillés varient. L’acide folique par exemple est prescrit avant même la conception de l’enfant, cela « illustre tout l’intérêt à parler de son désir de grossesse au soignant, car cela fait baisser le risque de malformations », déclare Céline Mounier. Cependant, le généraliste Sylvain Bouquet lance un avertissement concernant ce médicament : « s’il n’est pas pris un mois avant la conception, ça ne sert à rien ».
Globalement, seulement 2 à 3% des bébés européens naissent avec une malformation grave. «Les éléments que nous avons montrent que 5 % de ces 2 à 3 % ont une relation avec un médicament », affirme la directrice de l’ANSM. Environ 800 à 1 200 enfants estimés en France. L’effet de ces médicaments n’est souvent pas immédiatement détectable, l’on peut le découvrir après des années. Le cas de l’autisme, l’hyperactivité et les troubles du développement.
Un risque variant en fonction du stade de la grossesse
Le risque n’est pas lié à l’avancement de la grossesse. Selon Céline Mounier : « Le risque de malformations est maximal pendant le premier trimestre ». Le cas par exemple de valproate (antiépileptique populairement connu sous l’appellation de dépakine), et la thalidomide. Ce dernier a pourtant été interdit durant les années 1950 et 1960 aux femmes grosses qui ont fréquemment de nausées. D’où l’intérêt pour le personnel sanitaire et les patients d’actualiser toujours leurs informations médicales, étant donné que les recommandations sont évolutives. «On commence seulement à se poser la question des médicaments des hommes qui ont un effet sur la spermatogénèse », exemplifie Sylvain Bouquet.
Durant l’évolution de la grossesse, il faut surtout se méfier des sartans (contre les problèmes du cœur) et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), à l’instar de l’ibuprofène. Emmanuelle Ripoche, épidémiologiste à l’ANSM explique que : «Pendant le premier trimestre, ces médicaments ne sont pas interdits, mais ne sont recommandés que dans les cas nécessaires et sur avis médical. À partir du deuxième trimestre, une seule prise peut entraîner la mort du fœtus ».
Doit-on se pencher vers la médecine alternative ? La sensibilisation de l’ANSM souligne que la prise des plantes s’avère non négligeable. Emmanuelle Ripoche précise à propos que : «la phytothérapie est vue comme un traitement naturel, donc sans risque. Pour l’homéopathie, certains granulés contiennent de l’alcool, il faut aussi faire attention ». Pour finir, la directrice de l’ANSM précise les contours de la campagne en ces termes : « L’objectif n’est pas de laisser les femmes seules avec les maux de la grossesse. Mais bien de les encourager à discuter avec leurs soignants. »